charley + this one's for the lonely, the one's that seek and find

feeling no limits, seizing each minute

Charley ne savait pas depuis combien de temps elle errait dans le froid glacial de cette nuit d'hiver. Son écharpe remontée jusqu'à ses pommettes et son bonnet descendu au ras de ses sourcils, ne demeuraient que ses prunelles habituellement pétillantes mais aujourd'hui ternies d'un éclat triste. Ce soir, elle fêtait les dix ans de la manifestation de son trouble. Une décennie déjà qu'elle vivait avec cette malédiction. Elle se demandait parfois comment elle avait fait pour survivre tout ce temps. Oh bien sûr les baisers n'étaient pas indispensables à la vie d'un être humain, mais n'étaient-ils pas nécessaires au bonheur ? Certes elle était vivante, en bonne santé, avait une famille aimante, un job stable et de nombreux projets, mais qu'en était-il de l'amour ? Charley Mercury avait toujours été de ces personnes convaincues de l'existence de l'Amour avait un grand A. Elle rêvait du prince charmant depuis que sa mère lui avait lu son premier conte de fées et jamais elle n'avait douté que son âme sœur l'attendait quelque part. Oui, Charley était de ces éternels romantiques qui avaient eu le cœur brisé à de trop nombreuses reprises mais ne perdaient jamais espoir. Certains la qualifiaient de naïve, elle s'en préoccupait pas, peu intéressée par l'opinion que l'on pouvait avoir d'elle. Son sourire chaleureux et communicatif était devenu légendaire à Haven et peu – si ce n'est personne – ne savait la douleur et le mal être qui habitaient la jeune femme depuis dix ans. Si certains étaient au courant de son trouble, elle était assez bonne actrice pour prétendre qu'elle n'en était que peu affectée. Sa joie de vivre et son énergie toujours débordante semblaient si sincères et naturelles qu'aucun se doutait des sombres pensées hantant l'esprit de la blondinette.

Déambulant dans les rues désertes de sa ville natale, Charley sentait son cœur s'alourdir à chaque pas. Ses entrailles se tordaient avec violence alors que son corps s'engourdissait sous la morsure du vent glacial. C'était avec peine qu'elle retenait depuis quelques heures les larmes qui affluaient sous ses paupières et sa lèvre inférieur en sang était désormais la preuve d'un mal être grandissant. Alors qu'elle débouchait sur le port, les yeux de la jeune femme se posèrent sur un couple enlacé au loin. A la lueur de la lune l'homme se pencha pour capturer les lèvres de sa bien aimée. Cette vision bien trop familière vint briser ce qu'il restait du cœur de Charley et son pas s'accéléra. Arrivée au bout de la jetée caillouteuse, la jeune femme se tint au bord, le pied glissant à plusieurs reprises sur les rochers humides. Elle plongea son regard dans l'étendue d'encre noire qui s'offrait à elle. Il aurait été si simple de faire un pas de plus, de laisser ces ténèbres l'engloutir et son corps s'endormir à tout jamais. Des gouttes gelée vinrent s'écraser sur son visage alors qu'un éclair fendait l'horizon, illuminant brièvement le regard de la jeune femme d'une lueur tremblante. « Il y a des manières plus douces et propres pour mettre fin à ses jours jeune fille. » Charley sursauta violemment, manquant de peu une chute fatale et se tourna vers l'homme qui se tenait à quelques pas d'elle. Grand, imposant, son regard la transperça avec autant de force que l'image du couple quelques minutes plus tôt, elle étouffa un hoquet. « Je pense pas vous avoir demandé votre avis. Si j'ai envie de crever broyée par des rochers ou le corps bouffie par l'eau de mer c'est mon problème, pas le vôtre. » L'homme sembla un instant déstabilisé par sa réponse mais fit un pas vers elle. « Restez où vous êtes. Non, mieux, faites demi-tour et retournez vous occuper de vos affaires. » Ses machoîres se crispèrent de colère. Qui était-il pour venir troubler sa quiétude ? Elle était triste, elle était vide, elle voulait disparaître, et ce n'était pas cet inconnu qui l'en empêcherait. « Si vous voulez jouer les héros et sauver des vies vous avez le choix dans cette ville. Laissez moi tranquille. » Il fit un pas de plus en avant, elle en fit un en arrière, se rapprochant dangereusement du bord. Son regard toujours ancré dans celui de l'inconnu. « Et si c'est votre vie que j'ai envie de sauver? » Elle entrouvrit les lèvres, prête à répliquer d'un ton cinglant comme elle en avait l'habitude mais ne trouva rien à répondre. « Et pourquoi vous feriez ça ? Vous ne me connaissez même pas ? Peut-être que je suis une bonne à rien, peut-être que me laisser mourir serait faire une faveur à la société. » Il sourit doucement et d'un geste rapide s'empara de la main de la blondinette pour l'attirer vers lui. Charley savait pertinnement comment se débarasser de cet homme, elle n'avait qu'à se hisser sur la pointe des pieds et s'emparer de ses lèvres. La douleur qu'il ressentirait alors lui ferait lâcher prise et elle n'aurait plus qu'à se jeter à l'eau ou courir dans la direction opposé pour trouver un meilleur moyen d'en finir avec sa misérable et solitaire existence. Mais ce qu'elle lit dans les yeux de l'inconnu à cet instant précis, son regard sincèrement concerné et inquiet, l'empêchèrent d'agir de la sorte. Jamais elle n'avait pu lire si clairement en quelqu'un l’altruisme et le besoin d'aider, ça en était à couper le souffle. Elle ne comprenait pas bien pourquoi il avait décidé de venir à son secours ni même pourquoi il avait ne serait-ce que posé le regard sur elle mais elle remercia silencieusement la force invisible qui avait mis cet homme sur son passage. Sans qu'elle ne puisse l'expliquer la jeune femme eut le sentiment qu'à partir de cette nuit là tout irait mieux. Oh bien sûr, la route serait longue, les obstacles nombreux, et les coups de poignard au coeur ne s'arrêteraient pas du jour au lendemain mais, alors que sa main se refermait sur celle de l'inconnu, elle sentit l'espoir renaître en elle...